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  Notes sur le Monnayage épiscopal noyonnais  
 

Léon Mazières.
                                                                                                                        Noyon 1887

 

Note préalable. Le texte, que nous avons recopié sur celui de l’édition originale[1], a été respecté dans son intégralité. A l’exception

- de la mise en page que nous avons modifiée. En particulier en incorporant, pour une lecture plus facile, la gravure des monnaies à côté de leur description. Dans l’édition originale, elles se trouvent groupées dans une planche située en dernière page.
- de quelques notes que nous avons jugées utile de mettre, ainsi que la traduction en français de deux passages en latin. Traductions, que nous devons à notre ami Michel Lefèvre.
Les notes ainsi ajoutées et les traductions sont en caractères de couleur bleue, pour bien les différencier du texte original.
Par ailleurs, toutes les références qui, à l'origine sont en bas de chaque page, ont été mises à la fin de notre texte. Des liens hypertextes permettent d'y accéder facilement et d'en revenir tout aussi facilement. 
                                                                                                André Dessaint

[1] Archives départementales de l’Oise. Référence : 2BR55
 

  

       Notes sur le Monnayage épiscopal noyonnais
                                                              
Léon Mazières.
                                                                                                                        Noyon 1887


Le monnayage épiscopal noyonnais a duré de la fin du 11e siècle au 13e, et assurément, pendant ce temps, son atelier a dû émettre d’assez nombreux produits.
Cependant on ne connaît encore à ce jour, de monnaies que de trois évêques : Radbod II, Renold et Etienne I de Nemours.
Il faut présentement se contenter de réunir, de grouper les diverses indications que l’on a pu recueillir ça et là, et attendre de l’avenir que de nouvelles découvertes permettent de faire une monographie complète.

 

RADBOD II (1067-1098)

C’est à Radbod II que commence le monnayage épiscopal noyonnais.
Le droit de battre monnaie lui a été concédé – ou fut usurpé par lui, on verra plus loin la cause de ce doute, - lors de l’inféodation qui lui fut faite de la seigneurie de la ville par le roi Philippe 1er , en accroissement du fief que les évêques tenaient déjà de la Couronne[2] .

1er; A D B  en légende circulaire ; dans le champ E P S
Au revers :
Ë NOVIOMVS en légende circulaire ; dans le champ croix pattée, à branches égales, cantonnée aux 3 et 4 d’un oméga suspendu à la branche horizontale de la croix par le trait du milieu très allongé à cet effet.
Denier N° 1 de la planche.
Publié par M. de Roucy dans la Revue numismatique, année 1865.
   

Ë RABBODVS ; dans le champ E P S avec trait abréviatif au dessus
Même revers qu’au n° 1 sauf que les omégas ne sont pas rattachés aux branches de la croix
Denier.  Poids. 1,10 gr. – N°2
Publié par M. du Lac dans le Bulletin de la Société historique de Compiègne, t.4, 1878

Les différences dans l’orthographe du nom, – la lettre D sur le n° 1 est même douteuse –, dans l’état des omégas et dans la forme de quelques lettres ne sont que des variétés de coins du fait du monnayeur et indiquant deux émissions.
Les deniers ci-dessus décrits sont bien du même Radbod II[3] ,dont on trouve du reste, dans les titres, le nom écrit de diverses manières. Je citerai entre autre :
    Ratbodus
, dans la charte, datée du 8 des ides de décembre 1068, 2e année de son épiscopat, par laquelle il concède à l’abbaye de St-Éloi de Noyon, l’autel de Becquincourt
[4].
     Radbodus, - comme sur la monnaie publiée par M. de Roucy – dans la donation qu’il fit le 7 des ides de novembre 1086, 19e année de son épiscopat, du personnat de la cure de Jussy à la collégiale de Chauny[5].
     Rabodus
, dans la charte d’érection en abbaye de femmes de l’église Notre-Dame de Bruges, datée de 1093
[6].

Radbod, comme il y a toute apparence, inféoda son monnayage.
Une charte constatant la reconnaissance par une femme nommée Hadvide au profit du Chapitre de Noyon d’un cens dû sur l’alleu de Mondescourt et de la propriété d’une partie de cet alleu, porte la souscription Radulphi nepotis monetarii
[7].

Ce titre n’est pas daté ; mais parmi les autres souscripteurs figure l’archidiacre Wautier, S. Walteri, archidiaconi, et l’on voit ce même archidiacre souscrire aussi la charte par laquelle Radbod, en 1090, fit donation à l’abbaye de Saint-Martin de Tournay de l’autel de Weruy : S. Radbodi, episcopi, S. Walteri, archidiaconi[8] et celle du même évêque de l’an 1093 mentionnée ci-dessus : S. Rabodi. S. Gualteri, archidiaconi.
Faut-il lire Radulphi,  nepotis monetarii, ou Radulphi nepotis, monetarii ?
Quoiqu’il en soit, un monnayeur, du nom de Raoul, vivait et mourut sous l’épiscopat de Lambert (1112-1123). Il demeurait sur la place du Marché, près les Boucheries :
…domus que Radulfi, monetarii, fuerat in mercato noviomensi, juxta macellos dans un titre daté de 1123[9].

   

SIMON DE VERMANDOIS (1123-1148)


Durant l’épiscopat de Simon de Vermandois, on trouve quelques stipulations en monnaie noyonnaise. Ainsi :
Le Chapitre de Noyon concéda en l’année 1130 au prieuré de Saint-Amand de Machemont tout ce qu’il possédait en terre, bois etc., à
Montigny, moyennant un cens de 12 sols monnaie de Noyon : xii solidi juxta publicam monetam noviomensem
[10.
En 1139, Foulques de Neuflieux et ses frères donnèrent à l’abbaye de Chauny des héritages à Neuflieux sous le cens de xii denariorum noviomensis monete[11].
En 1145, le Chapitre de Noyon concéda à l’abbaye de Longpont la dîme des animaux et des produits des jardins et toute la menue dîme dans sa grange d’Héronval et ses dépendances pro xiicim denariis reddendis tali monete qualis apud Noviomum curret eo die quo solvendi erunt[12]; l’évêque Simon de Vermandois était présent et souscrivit la charte. – Cette stipulation que le cens sera payé en la monnaie qui aura cours à Noyon lors de l’échéance des arrérages indiquerait-elle que déjà, à cette époque, il était question d’apporter quelque changement dans la valeur de la monnaie noyonnaise ?
On sait que le sol n’était qu’une monnaie de compte ; de même la livre qui sera mentionnée plus loin.
 

BAUDOUIN III (1167-1174)
 

En l’année 1169, le monnayeur Pierre, voulant faire le voyage de Jérusalem, emprunta d’Eudes de Compiègne 30 livres provinoises et, en garantie, engagea son fief de la monnaie. – Eudes de Compiègne, comme engagiste, fit l’hommage à Baudouin III : …feodum de moneta quod Petrus a nobis, dit l’évêque, tenet,…Odo de Compendio, sicut de vadio, nobis homagium fecit[13].
La valeur de la monnaie noyonnaise était, vers ce temps, d’un tiers moindre que celle de la monnaie châlonnaise : - Hugues, abbé de Saint-Barthélemy (1157-1178), reconnut qu’à chaque mutation d’abbé, son abbaye aurait à payer au Chapitre de Noyon pour une vigne sise à Larbroye v solidos (5 sols ou 60 deniers) monete unde census et debita communiter persolventur in urbe noviomensi vel xl nummos (deniers) cathalanensium
[14].
L’évêque de Châlons-sur-Marne frappait sa monnaie à six deniers de loi 500/1000 et à la taille de 256 au marc ; chaque pièce pesait 18 grains ou 0, 95 gr[15].
En admettant, ce qui est très vraisemblable – on verra plus loin un denier de l’évêque Etienne de Nemours pesant 0,92 gr - que la taille fut également de 256 au marc, le titre de la monnaie noyonnaise était donc de 4 deniers de loi 500/1000 ou 96 grains.
Son poids étant alors le même que celui de la monnaie châlonnaise 0,95 gr, et le denier de Radbod (n°2) pesant 1,10 gr, on voit que ce poids avait diminué depuis 1145. – Ainsi s’expliquerait peut-être la clause de la vente que j’ai mentionnée ci-dessus.


RENOLD (1174 -1187)

Renold frappa d’abord sa monnaie au type suivant :

3e Ë RENOLD’ EP¯C ; dans le champ, croix pattée, à pied renflé, allongé et aiguisé, accostée de deux crosses en pal adossées ; au dessous, étoile à six rais.
Au revers :
Ë NOVIOMVS ; dans le champ croix pattée, à branches égales, cantonnée au premier et au quatrième d’une petite croix au pied fiché tourné vers l’angle rentrant des bras de la croix.

Denier. Poids : 0,87 gr [16] N°3
Publiée par M. Moët de la Forte-Maison dans la Revue numismatique, année 1841, et reproduit dans ses Antiquités de Noyon, p.189.
        Peut-être les deux crosses avaient-elles été figurées pour rappeler que, jusqu’en l’année 1146, les évêques de Noyon administrèrent aussi et concurremment le diocèse de Tournai?
[17].

 On connaît plusieurs variétés de coin, ce qui indique une fabrication prolongée.

4e Mêmes légende et type, sauf qu’il n’y a pas de trait ni de point entre le P et le C, que le pied de la croix au lieu d’être aiguisé est échancré, et que l’étoile n’a que cinq rais.

         Au revers : mêmes légende et type, mais d’un dessin différent.
Denier n° 4
Publié par M. Colson dans les Comptes-rendus et Mémoires du Comité archéologique de Noyon, t.1, 1862.

                                                    5e Même légende, mais sans le signe abréviatif en forme d’apostrophe après le D, trait ni point entre le P et le C ; dans le champ, croix entre deux crosses.
Au revers : Même légende qu’aux numéros 3 et 4; dans le champ, croix cantonnée de deux petites croix fichées.
Denier. Publié par M. Caron, mais sans dessin, dans ses Monnaies féodales françaises, 1884. 

 Le Chapitre ayant vendu au chanoine Wermond de Cessoy une maison située à Noyon, moyennant xliii libras noviomensis monete, Renold, dans la notification qu’il en fit par une charte non datée, reproduisit cette stipulation particulière de la vente, modifiée toutefois dans l’expression : Si vero monetam nostram deteriorari aut mutari contigerit, ipse (l’acquéreur) denos octonos solvet attrebatentes denarios. Hujus itaque prescripti mediatatem debiti a Pascha anni Dominice Incarnationis mi ci lxxxi viii solvet in Pascha sequentis annis ; residuam quoque medietatem in Pascha subsequentis anni[18].

 Mais s’il arrive que notre monnaie perde de sa valeur ou en change, lui-même (l’acquéreur) paiera 18 deniers artésiens. La moitié de cette dette susdite entre Pâques et l’année 1187 de l’incarnation du Seigneur et Pâques de l’année suivante, la moitié restante à Pâques de l’année suivante.

Ce qu’avait prévu le Chapitre, sans nul doute au courant des intentions de l’évêque, se réalisa : Renold, en effet abaissa bientôt le titre de sa monnaie et en changea le type.
Le titre de la nouvelle monnaie était de 3 deniers 13 grains de loi ou 85 grains – soit inférieur de 11 grains à celui de l’ancienne – ainsi qu’on peut l’inférer des faits suivants : En l’année 1191, le Chapitre de Noyon céda au curé d’Ercheu sa part de revenus éventuels de la cure moyennant une rente de 10 livres laonnoises sous la condition que, si cette monnaie venait à perdre de la valeur qu’elle avait alors, pour 18 deniers laonnois il serait payé par le curé 12 deniers artésiens : quod si laudunensis moneta cadere contigerit pro xviii denariis monete laudunensis xii attrebatenses a presbytero persolventur
[19]. – Jean, sire de Nesle, s’engagea à payer au Chapitre de Noyon, en réparation de dommages causés par lui et ses gens, centum solidos nigrorum vel atrebatensis monete in pretio xviii numorum nigrorum par an jusqu’à la constitution d’une rente à fixer par arbitres[20].  Le denier laonnois avait donc la même valeur que le néret ou denier noyonnais. Or, d’après l’ordonnance de 1315, la monnaie laonnoise était à 3 deniers 13 grains de loi.
Quant au nouveau type, le voici :

Ë RENOLDVS EPC ; dans le champ main bénissante.
Au revers :
Ë NOVIOMVS ; dans le champ croix pattée, à branches égales et cantonnée au 2e et au 3e d’une petite crosse, la tige tournée vers l’angle rentrant des bras de la croix.
Denier. N° 5
Publié par M. Colson, loco citato.

Les deux petites crosses cantonnant la croix du revers avaient sans doute la même signification que les deux grandes crosses qui accostaient la croix du droit de l’ancien type.
La fabrication de cette monnaie ne dut avoir lieu que durant peu de temps, car Renold décéda le 11 juillet 1187.
Parmi les stipulations en monnaie noyonnaise, assez nombreuses sous l’évêque Renold, je citerai seulement les suivantes :
Vii solidi census annui monete noviomensis
étaient dus à l’abbaye d’Arouaise par l’abbaye Saint-Barthélemy de Noyon, ainsi qu’on le voit dans une charte de cette dernière abbaye datée de l’an 1184
[21]. Le trésorier de la cathédrale avait certains droits à Pontlévêque. Le passage de la rivière ayant été transféré à Pontoise, ce qui causait un préjudice, l’évêque lui donna à titre de dédommagement, en 1185, decem libras noviomensis monete[22].

La valeur de la monnaie noyonnaise était alors la même que celle de la monnaie de Chauny. – En 1182, Jean de Gondran concéda à l’abbaye de Longpont toute la partie de bois qu’il possédait au milieu du bois des frères d’Héronval pro decem solidis publice monete currentis apud Noviomum et Calniacum
[23].
Le nom de Renold est écrit dans les titres de différentes manières. Je citerai entre autres :
          Renoldus, comme sur sa monnaie, dans la charte qu’il a délivrée, en 1180, pour constater l’accord intervenu entre les abbayes de Saint-Quentin, de Beauvais et de Chauny au sujet d’une prébende dans cette dernière ; l’abbaye de Chauny fut déchargée de cette prébende moyennant paiement de la somme de 30 livres de blancs, xxx libras alborum[24] .
           Rainaldus
, dans la donation par lui faite à l’abbaye d’Ourscamp, en la même année, de portions de forêt de Laigue autour et au devant de sa grange de Parvillers jusqu’à la queue de Wenemare
[25].
            Rainoldus, dans la charte, datée de 1179, par laquelle il confirme diverses donations faites à l’abbaye de Longpont
[26].
           Reinaldus, dans la confirmation, en la même année, par Elisabeth, comtesse de Vermandois, d’un accord de Rainaud de Coucy et Marie, sa femme, avec l’abbaye de Longpont[27].


ETIENNE 1er DE NEMOURS (1187-1221)
 

Etienne 1er de Nemours continua la fabrication des deniers au type de la main bénissante :

Ë STEPHS EP. ; dans le champ main bénissante.
              Au revers :
Ë NOVIOMVS ; dans le champ croix cantonnée d’une petite crosse au  2e et au 3e
            Denier
            Publié par M. Caron, mais sans dessin, loco cit., 1884.

En quelque monnaie qu’ils fussent stipulés, les cens et rentes ne pouvaient être acquittés dans les limites de la Commune qu’en monnaie noyonnaise, aucune autre n’y ayant légalement cours.
Pour des motifs que je n’ai pu découvrir, Etienne de Nemours , en l’année 1190,  y autorisa le cours de la monnaie parisis
[28] , concurremment avec celui de la monnaie noyonnaise, dont la fabrication ne cessa point ainsi que le montrent les faits suivants pris entre plusieurs :
En 1191, il constitua à titre de droit d’amortissement, au profit du Chapitre de Noyon une rente de 100 sols noyonnais, decem solidos monete noviomensis, payables à chaque changement d’évêque, pour raison d’un four sis à Noyon, devant l’église Saint-Martin, concédé à l’évêché par le prieuré de Bonneuil et relevant du Chapitre
[29].
Dans la même année, l’abbaye de Saint-Barthélemy de Noyon consentit l’investiture à Raoul Escarsel de Dompierre d’un fief entre Becquincourt et Herbecourt, à la condition, entre autres, qu’à chaque mutation de fief il serait payé lx solidi noviomensis monete
[30].

La différence de type et de valeur des deniers noyonnais était déjà une gène ; l’introduction dans la circulation de la monnaie parisis, dont le titre était sensiblement supérieur devait nécessairement l’accroître. Aussi, au bout de quelques années, le clergé et les magistrats municipaux remontrèrent à Etienne de Nemours combien cette diversité des monnaies causait de préjudice à la population et en causerait à l’avenir, si l’on n’y avisait.
En 1197, il accueillit favorablement la requête qu’ils lui présentèrent, et, pour remédier au mal qui lui était signalé, il donna à tous les nérets noyonnais, quels que fussent l’époque de leur émission, leur titre et leur type, le même cours, en fixa la valeur dans la proportion de trois noyonnais ou nérets pour deux parisis et, au mois de novembre de cette année, rendit une ordonnance portant :

Que dorénavant et aussi longtemps qu’il le jugerait à propos, les cens dus dans les limites de la Commune seraient acquittés en monnaie parisis, savoir : le cens qui n’excédait pas une obole ou un denier par une obole ou un denier parisis, et le cens qui excédait un denier à raison de 12 parisis pour 18 nérets.
Que si lui ou ses successeurs émettaient à une époque quelconque, une monnaie à la loi de 3 deniers et de 1 obole, les cens seraient acquittés en cette monnaie, étant comptés 18 nérets pour 12 parisis : si la monnaie émise était à un aloi supérieur, ils le seraient en monnaie parisis :
Enfin, que le tonlieu et les autres coutumes, sauf le vienage de l’évêque au sujet duquel il statuerait comme il le jugerait à propos, seraient acquittés en la monnoie quelconque qui aurait cours à Noyon
[31].

Les magistrats municipaux notifièrent aussitôt cette ordonnance, dont voici le texte :

Stephanus, Dei gratia noviomensis episcopus, universis presentem paginam inspecturis in Domino salutem. Quoniam propter incerte cursum monete ecclesie nostre totique populo noviomensis damna non minima proveniebant et majora in posterum imminebant, eorum indempnitati providere volentes, concessimus eis ut moneta parisiensis Noviomi  cursum habeat quandiu nostre fuerit voluntatis, ita quod census qui infra metas Communie debebantur, de parisiensi moneta, computatis duodecim parisiensibus pro decem et octo nigris, de cetero reddantur. Hoc addito quod census qui obolum non excedit, de obolo parisiensi, et qui non excedit denarium, de denario parisiensi solvatur ; et si denarium excesserit, ea ratione qua pro decem et octo nigris duodecim parisienses solvuntur, reddatur, Ceterum si a nobis, sive a successoribus nostris, aliquo in tempore, monetam ad legem trium denariorum et oboli fieri, contigerit, predicti census ex eadem moneta, computatis decem et octo nigris pro duodecim parisiensibus, exsolvantur : item si cariorem monetam quam de tribus denariis et obolo nos seu nostri successores fecerimus, omnes census, sicutprescriptum est et ordinatum, de moneta parisiensi reddantur. Ad hec quecumque moneta Noviomi cucurrerit, teloneum et alie consuetidines, preter vienagium nostrum quod ad nostram dabimus voluntatem, ex ea persolventur. Quod ut firmiter observetur in posterum presentis pagina chirographi et nostri munimine sigilli confirmamus.
Actum anno Domini M° C° XC° VII°mense decembri
[32].

Etienne, par la grâce de Dieu  évêque de Noyon, à tous ceux qui liront la présente charte, salut. A cause du cours imprécis de la monnaie, il en résulte pour notre Eglise et tout le peuple  un dommage certain qui risque de s’accroître. Voulant pourvoir à leur sûreté, nous leur accordons que, aussi longtemps que nous le déciderons, la monnaie de Paris ait cours à Noyon de la manière suivante : pour le cens qui est dû dans les limites de notre territoire, en ce qui concerne la monnaie de Paris, on s’acquittera en comptant 12 parisis pour 18 noirs. De plus, que le cens qui n’excède pas une obole soit payé une obole de Paris et celui qui n’excède pas un denier le soit d’un denier de Paris et s’il excède un denier qu’on l’acquitte de la même manière : 18 noirs pour 12 parisis. Mais s’il arrive qu’un jour, nous ou nos successeurs font une monnaie de trois deniers et une obole de loi[33] que le cens susdit soit payé dans cette même monnaie  en comptant 18 noirs pour 12 parisis. De même si nous ou nos successeurs faisons une monnaie meilleure que de trois deniers et une obole[34] que tous les cens prescrits et ordonnés soient en monnaie de Paris. C’est ainsi que, quelle que soit la monnaie qui ait cours à Noyon, le tonlieu et autres redevances seront payés à l’exception de notre vinage que nous fixeront selon notre bon vouloir. Et pour que la présente charte soit bien observée à l’avenir, nous la validons de la garantie de notre signature et de notre sceau. Fait l’an du Seigneur 1197, au mois de décembre.

À la suite de cette ordonnance, la fabrication de la monnaie noyonnaise cessa ; mais, ainsi qu’il l’avait fait prévoir, Etienne de Nemours la reprit.
À quelle époque ? Je ne saurais le dire, car je n’ai jusqu’à présent rencontré aucune stipulation en monnaie noyonnaise postérieure à l’année 1197. – les stipulations sont généralement faites en monnaie parisis, quelquefois en monnaie ayant cours à Noyon comme dans le traité intervenu, au mois de juillet 1210, entre le Chapitre de Noyon et son maire d’Evricourt au sujet de la tenue de la mairie ; on y voit que le Chapitre devait payer au maire pour sa renonciation à des droits à la poursuite des délits
decem solidos monete currentis Noviomi par an, et pour chaque procuration octo denarios monete currentis Noviomi[35].
Il est à croire que le titre de cette monnaie fut à 3 deniers et une obole ou 84 grains, un grain de moins que la dernière émission de l’évêque Renold- car si elle l’avait été à un titre plus élevé, elle n’aurait pu être reçue en paiement des cens qui, d’après l’ordonnance, devaient dans ce cas être acquittés en monnaie parisis.
Le type fut changé. On abandonna le type de la main bénissante pour revenir à celui de la croix accostée de deux crosses ;

Voici la nouvelle monnaie
Ë STEPHS EPC. ; même type qu’au numéro 1 de Renold (3 de la planche).
Revers  semblable à celui de la même pièce, sauf que les petites croix se trouvent dans les 2e et 3e cantons.
Denier. N° 7

Publié par M. Moet de la Forte-Maison, loco cit.
On connaît de ce denier plusieurs variétés de coins, ce qui indique une fabrication de quelque durée. - Etienne de Nemours mourut le 8 septembre 1221.

9° Légendes et types semblables à ceux du numéro 2 de Renold, sauf que le pied de la croix du revers au lieu d’être échancré est aiguisé et que l’étoile a 6 rais (4 de la planche)Denier. N° 8.
Publié par M. Colson
, loco cit.

10° Ë STPH EPC : dans le champ, croix entre 2 crosses. Au revers : Ë NOVIOMVS ; dans le champ croix cantonnée de deux croix fichées au 2e et 3e
Denier. Poids : 0, 92 g.
Publié par M. Poey d’Avant, mais sans dessin, dans ses
Monn. Féod. de France.

11° Ë STEPHS  EPC : dans le champ, croix pattée, à pied fiché et accostée de deux crosses en pal adossées ; au dessous étoile à 6 rais.
Revers semblable à celui du n° 7 de la planche
Denier. N° 9.

Publié par M. Poey d’Avant, loco cit. – Le texte porte par erreur STEBS.

 

Duby[36] a publié d’après Boze, la pièce suivante que je reproduis sous le numéro 6
Ë SAEPHS  EPC ; dans le champ, même type que celui du numéro 9.
Revers semblable à celui du numéro 8 de la planche.
Denier

Sur cette monnaie, les légendes vont de gauche à droite, tandis que sur toutes les autres monnaies noyonnaises connues elles se lisent de droite à gauche. On remarquera aussi que Duby, prenant pour un A le T cunéiforme, lisait SAEPHS au lieu de STEPHS, et il attribuait ce denier à Etienne Aubert qui occupa le siège épiscopal en 1338 et 1339 ; mais il saute aux yeux que c’est une erreur et qu’il appartient bien à Etienne de Nemours.
Si le dessin est exact, ce n’est qu’une variété de coin. 
Les successeurs d’Etienne de Nemours continuèrent-ils le monnayage ? Jusqu’à présent il est vrai, on n’a pas trouvé de leurs monnaies, mais rien ne prouve que quelque découverte imprévue ne vienne pas un jour les montrer. On ne peut donc rien dire.
Quoiqu’il en soit, l’évêque de Noyon ne figure point parmi les 31 barons et prélats convoqués en 1305 par Philippe-le-Bel pour la réforme des monnaies, et son nom ne se trouve pas non plus dans l’ordonnance de Louis le Hutin du mois de décembre 1315, avec ceux des prélats et barons auxquels avait été reconnu le droit de frapper monnaie.
Les évêques avaient-ils abandonné leur monnayage dont l’exercice, par suite des entraves apportées par la royauté à l’émission et à la circulation des monnaies seigneuriales, ne devait plus être que d’un très petit profit, ou bien n’avaient-ils pas de titre et la possession qu’ils pouvaient, à son défaut, seule invoquer ne fut-elle pas jugée suffisante par les commissaires royaux ? Autre question qui jusqu’alors est demeurée sans solution.

 

Léon Mazière

[2] Ne pouvant, dans la description qui va suivre, indiquer l’époque précise de l’apparition des types, j’ai adopté l’ordre de la date de publication des monnaies
[3] Radbod I est décédé vers 997.
[4] Cart. de Saint-Eloi-Fontaine
[5] Coll. Moreau, t. xxx , f°10.
[6] Cart. du Chapitre de Noyon, f° 48
[7]                 id        f° 80
[8] Cousin, Histoire de Tournay, t.2, p.124
[9] Cart. du Chapitre de Noyon, f° 78 – Cette maison fut achetée par Bernard, fils d’Engeler.
[10] Cart. du Chapitre f° 79
[11] Charte de Simon de Vermandois autorisant la translation de l’abbaye de Chauny à Saint-Éloi-Fontaine au Cart. de Saint-Éloi-Fontaine.
[12] Cart. d’Héronval, p 2.
[13] D.Grenier, Papiers, cx.
[14] Cart. du Chapitre, f° 203.
[15] Berry, Etudes et recherches historiques sur les monnaies de France.
[16] Cette faiblesse du poids provient sans doute du frai de la pièce.
[17] Les deux crosses étaient les pièces principales des armoiries de l’évêché-comté pairie qui portait  de: France ancien à 2 crosses en pal adossées d’or.
[18] Cart. du Chapitre, f° 213.
[19] Cart. du Chapitre, fos 116 et 203
[20] Idem f° 45. La monnaie noyonnaise, ainsi d’ailleurs que toutes les autres monnaies émises comme elle à un titre inférieur, était désignée communément par le nom de : nérets, nigri, nigelli, par opposition aux blancs albi. On verra plus loin, l’évêque Etienne de Nemours, dans son ordonnance de 1197, employer ce mot nigri.  – En 1205, Agnès, veuve d’Eudes Bernard, fit donation au Chapitre de divers cens dus sur des maisons situées à Noyon et payables en nérets : Hoc omnia sunt nigrorum , au Cart. du Chapitre, f° 143, etc., etc.
[21] D. Grenier, loco cit.
[22]               id.
[23] Cart. d’Héronval, p. 21. En 1201, le même jean de Gondran, se disant chevalier de Mondescourt, et Aude, sa femme, donnèrent au curé du lieu xxx solidos calniacensis monete, au Cart. du Chapitre, f° 176.
[24] Cart. de Saint-Eloi Fontaine.
[25] Cart. d’Ourscamp, p 220.
[26] Cart. d’Héronval, p.19.
[27] Cart. d’Héronval p.20.
[28] Gali. Christ., t. IX
[29] Cart. du Chapitre
[30] Archives de l’Oise
[31] Cart. du Chapitre , fos 138 et 139.
[32] Cart. du Chapitre fos 56
[33] Pour l’argent, le titre d’une monnaie, c’est à dire sa teneur en métal précieux, s’exprimait en 12èmes ou deniers de loi. La fraction de denier, s’il y en avait une, s’exprimait en demi-deniers, ou oboles (ou mailles) et en 24émes de deniers ou grains. L’argent 12 deniers (argent fin) avait une teneur en métal précieux de 95,8%. Une monnaie à trois deniers et une obole de loi comme indiquée ici, avait donc une teneur en argent de 27% environ.
[34] Sous entendu (ou mot oublié): de loi
[35] Cart. du Chapitre fos 156
[36] Traité des monn. seign.