Le 24 mai 1632 naquit à Beauvais, paroisse
Saint-Etienne, Jean Foy, fils de Jean Foy et de Françoise Delacroix,
l’une des familles les plus anciennes et aisées de la ville.
Ayant perdu son père à l'âge de 3 ans, il
fut recueilli par son
grand oncle,
Nicolas Vaillant, mari
de Marguerite Foy,
sœur de sa
grand-mère, qui prit en charge son
éducation. Plus tard, ce même grand oncle lui laissa la plus grande
partie de ses biens, à la
condition d’accoler
le nom de Vaillant à celui de Foy
.
Dès lors, Jean Foy prit le patronyme de
Foy-Vaillant et les ouvrages qui classent le célèbre numismate à
Vaillant Jean-Foy sont dans l’erreur
1.
Jean
Foy-Vaillant 2
fit
des études rapides et brillantes. Elève au
collège de Beauvais, il termina sa philosophie à 14 ans. À 17 ans,
il fut reçu avocat au Parlement de Paris, ce qui semblait le
destiner tout naturellement à succéder à son oncle adoptif,
procureur général fiscal près de l’évêché et comté de Beauvais,
charge qui était dans la famille, de père en fils, depuis plus de
deux cents ans. Mais l’établissement, à Beauvais, d’un présidial et
d’une élection l’éloigna de cette charge devenue de ce fait
moins attractive. Il entreprit alors des études de médecine et à
vingt-trois ans, il fut reçu docteur. Pour autant, Jean Foy-Vaillant ne devait pas plus exercer
la médecine que la magistrature.
Un jour, un fermier des environs de Beauvais, découvrit, en
labourant, une grande quantité de monnaies anciennes qu'il montra à
Jean Foy-Vaillant. Cette découverte déclencha chez notre jeune
docteur beauvaisien une passion qui n'allait plus le quitter, sa vie
durant. Il acheta le trésor et, délaissant la médecine, consacra tout
son temps et son énergie à déchiffrer et classer les monnaies.
Quelque temps plus tard, il se rendit à Paris pour rencontrer Pierre
Seguin, doyen de Saint-Germain l’Auxerrois qui, comme l’on disait
alors, « avait un riche Cabinet de Médailles ». Le
savant numismate apprécia les connaissances de son visiteur et le
mit en rapport avec le Premier Président, de Lamoignon, avec le
Procureur Général, de Harley, tous deux grands numismates. Le
Prévost des marchands le fit connaître au gardien du Médailler du
Roi qui, séduit par son érudition numismatique, le présenta à
Colbert.
Ce dernier lui demanda alors de se rendre en Italie, en Sicile et en
Grèce afin d'acheter des monnaies et des médailles anciennes
pour compléter la collection que Gaston d’Orléans avait donnée au
Roi.
M. Dupont-White a retrouvé dans les archives
de M. Le Caron, le passeport signé par Louis XIV et légalisé par
Colbert, dont disposait
Jean Foy-Vaillant pour mener à bien les
missions
dont on le chargeait.
De par le Roi à notre très cher et bien
aimé fils le Comte de Toulouse, amiral de France, vice-amiraux,
etc., etc.,…salut. Le Sr. Vaillant s’en allant par notre ordre en
Levant, nous voulons et vous mandons très expressément que vous ayez
à le laisser sûrement et librement passer par tous les lieux de vos
pouvoirs et juridictions, sans lui donner ni souffrir qu’il lui soit
fait aucun trouble ni empêchement, mais au contraire toute sorte
d’aide, faveur et assistance en cas de besoin. Car tel est notre
plaisir. Prions et requérons tous Rois, Princes, Potentats, Etats,
Républiques et autres nos bons amis alliés et confédérés de laisser
aussi pareillement passer ledit Sr. Vaillant sans lui donner aucun
empêchement, offrant de faire le semblable en pareil cas quand nous
en serons requis de leur part. Donné à Chambord le 12ème
jour de septembre
1685.
Louis
(et plus bas) Colbert
En octobre 1674, Jean Foy-Vaillant
s'embarqua à Livourne pour se rendre à Rome. Mais le vaisseau dans lequel il se
trouvait, fut attaqué et pris par un corsaire. Emmené en captivité à
Alger, avec toutes les autres personnes à bord, entre autres 23
compatriotes français, il fut remis en liberté après quatre mois et demi de détention.
Les monnaies dont il était porteur lors de son arrestation, 200 en
argent et une vingtaine en or, lui furent rendues, et il fut chargé
de remettre au Roi de France une lettre du Dey d'Alger qui nous
éclaire sur les raisons de ce traitement de faveur.
Au Roi de France qui est l’exemplaire et
l’appui des grands princes de la religion chrétienne, Dieu dirige
ses actions et ait pour agréable les prières que nous faisons pour
lui.
Après nous en
être acquitté, je dirai à V.M. que pour le présent nous sommes en
parfaite santé, ensuite nous lui ferons savoir que nos capitaines
étant en mer il y a quelque temps où ils
étaient allés en course, rencontrèrent des navires de nos ennemis
avec lesquels nous sommes actuellement en guerre, qu’avec l’aide de
Dieu ils en demeurèrent victorieux, qu’un de ces navires ennemis fut
pris par eux et qu’étant arrivés à Alger avec leur prise, 24
français se rencontrèrent dans ledit vaisseau ennemi. Je puis dire à
votre majesté que nous en avons usé envers eux conformément au
traité de Paix que nous avons fait avec vous, c'est-à-dire que nous
n’avons permis qu’ils aient été vendus.
Mais votre
Majesté saura que ce pays est un pays de milice et de soldats qui
ont communication avec tous les autres ; qu’ils s’entretiennent sans
cesse des musulmans qui sont esclaves en France dont ils reçoivent
journellement des lettres par lesquelles ils font savoir qu’ils ne
sont pas encore en liberté et c’est ce qui les a émus à faire
retenir les 24 français qui se sont trouvés dans le susdit navire,
sans vouloir qu’on les laisse aller avant que les musulmans qui sont
en France soient de retour en Alger.
C’est pour
faire savoir à Votre Majesté l’état particulier de cette affaire que
nous nous donnons l’honneur de vous écrire et aussi pour vous donner
avis qu’entre les 24 français susdits il s’en est trouvé un, nommé
M. Vaillant qui était chargé de commission pour votre service et que
pour l’amour de Votre Majesté nous ne l’avons pas voulu retenir ici
mais nous le lui avons renvoyé. Nous espérons que moyennant Dieu
lors qu’il sera arrivé il vous exposera nos sentiments et vous
donnera des nouvelles de toutes choses .Mais nous devons avertir
Votre Majesté que le Consul qu’on nous a envoyé ici de votre part,
est un fourbe qui ne fait ni bien pour vous, ni bien pour nous.
C’est pourquoi nous vous prions de nous envoyer quelque honnête
homme qui ait de l’esprit et qui soit sage et un peu homme de bien.
Au reste nous vous souhaitons toute sorte de bonheur
C’est votre
sincère et parfait ami
Mehemmed-el-Hagi,
Dey d’Alger |
Libéré, Jean Foy-Vaillant, pour regagner la France, prit place sur
une petite frégate qui, à son tour, fut prise en chasse par un
corsaire de Tunis. Craignant, s'il venait à nouveau à être capturé,
que l'on lui prît
les précieuses monnaies qu'il transportait, il n’hésita pas à
avaler les monnaies d'or, qu'il considérait comme les plus
précieuses.
Une tempête survenue fort à propos, éloigna le vaisseau pirate et
fit échouer le frêle esquif, à bord duquel était notre numismate
beauvaisien, sur les bancs de sable de l'embouchure du Rhône. Voici
la suite de cette histoire telle que la raconte M. Richer:
Son
premier soin fut de débarrasser son estomach du dépôt qu'il lui
avoit confié. La nature ne sembloit pas disposée à le soulager, il
craignit pour sa vie, et assembla la faculté de médecine. Chaque
médecin proposa un remède différent; et Vaillant, ne sachant lequel
préférer, s'abandonna entièrement à la nature, et la laissa
maîtresse de son sort. Elle agit heureusement et lui avoit rendu
plus de la moitié de ses médailles, lorsqu'il arriva à Lyon. Il
traita la totalité avec un curieux, auquel il promit de lui livrer
les autres, dès qu'elles seroient en son pouvoir. Le soir même, il
fut en état d'exécuter son traité.
De retour à Paris, il se vit confier de nouvelles missions qui le
conduisirent, en Egypte, en Iran (1679), en Perse, au Levant, c'est
à dire en Asie Mineure (1685) où il trouva les
médailles les plus précieuses et les plus rares. Pour autant,
Jean Foy-Vaillant n'oublia pas de prospecter aussi en Europe.
C'est ainsi qu'il se rendit une douzaine de fois en Italie, deux
fois en Angleterre et en Hollande.
Voyageur infatigable, Jean Foy-Vaillant fut aussi un auteur très
fécond, à qui l’on doit de nombreux ouvrages numismatiques qui
furent souvent réédités et qui furent utilisés jusqu’à la fin du
XVIIIè siècle. De nos jours, ils sont encore très
recherchés par les amateurs de beaux livres. La médiathèque de
Beauvais possède deux éditions de son premier ouvrage « Numismata
imperatorum romanorum praestantiora a Julio Caesare ad Posthumum et
tyrannos ». L’une de 1692 (tome 1 seul) et l’autre de 1694 (édition
complète : 2 tomes reliés en un seul volume). Photos
de cette édition ci contre. |
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Ouvrages de Jean Foy-Vaillant.
- Numismata imperatorum romanorum praestantiora a Julio Caesare ad Posthumum et
tyrannos, 1674, 2 vol.
- Seleucidarum imperium, 1681.
- Numismata aerea
imperatorum augustorum et caesarum in coloniis, municipiis et
urbibus jure latino donatis... percussa, 1688.
- Selectiora, numismata in aere maximi moduli e museo F.
de Camps...illustrata, 1694.
- Numismata imperatorum augustorum et caesarum a populis romanae
ditionis graece loquentibus... percussa, 1698.
- Historia Ptolemaeorum Aegypty regum, 1701.
- Nummi antiqui familiarum romanorum perpetuis
interpretationibus illustrati, 1703.
- Arsacidarum imperium sive regum Parthorum historia, 2
vol. édition posthume par Charles de Valois, 1725. |
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D'abord attaché au
Cabinet des Médailles du Duc du Maine, il entra, grâce à
Louvois, au Cabinet des Médailles du Roi avec pour mission de le
mettre en ordre et d'en dresser le catalogue (1684). Élu membre
associé de l'Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, en
juillet 1701, il en devint pensionnaire, à la mort de
François Charpentier en 1702. Voici d'ailleurs la lettre de
félicitation que lui adressa, à cette occasion, celui qu'il
avait servi pendant 20 ans et qui le tenait en grande
estime.
Je
suis bien aise d'apprendre que vous êtes devenu
pensionnaire dans l'académie des inscriptions, vous devez cette
grâce au choix du Roy, personne n'a dû vous l'envier, et vous
n'avez trouvé de concurrent que pour la forme. Gardez-moi la
médaille de l'empereur Sévère qui a pour revers herculi
defensori. Votre mérite vous met à couvert de l'envie et
force les augures à vous être favorables. Jouissez de votre
bonne fortune, et espérez qu'elle sera encore meilleure.
L.A. De Bourbon
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Jean
Foy-Vaillant épousa, en 1654, dans la ville de Beauvais,
Antoinette Adrian, fille aînée de Pierre Adrian, avocat, et
de Antoinette Le Boucher, qui lui donna trois filles:
Suzanne (†
le 26 mai 1736) qui épousa Toussaint Leullier, avocat au
Parlement et procureur fiscal du Comté; Antoinette et Marie qui
se firent religieuses.
Antoinette
Adrian décéda en 1661. Jean Foy-Vaillant se mit alors à vivre
ouvertement avec sa belle-sœur, encore mineure, Louise
Adrian qui depuis longtemps déjà, était
sa maîtresse.
De cette liaison coupable, considérée à l'époque comme un
inceste, était d'ailleurs né, avant le décès d'Antoinette, un garçon,
Jean-François, qui, légitimé par Jean Foy-Vaillant à l'occasion
de son second mariage, fut membre de l'Académie des Inscriptions
et Médailles, docteur en médecine et mourut sans postérité en
1708.
Afin de pouvoir se marier avec sa belle-sœur, Jean Foy-Vaillant
quitta Beauvais le 22 juillet 1662, avec Louise Adrian, pour
demander au Pape une dispense au premier degré d'affinité "fondée
sur l'estime réciproque qu'ils avaient conçue l'un pour l'autre".
Ils obtinrent cette dispense au mois de décembre 1663 et leur
mariage fut célébré par le curé de Saint-Laurent, en la ville de
Rome, le 15 janvier 1664. En avril de cette même année, Jean
Foy-Vaillant et sa nouvelle épouse revinrent à Beauvais.
Par la suite trois autres enfants naquirent: Yves-Pierre
qui fut tué à la bataille de Norwinde;
Jean, lieutenant d'infanterie au régiment d'Agenois, marié à
Marie-Anne Thouret et Marie-Louise, née en 1674, décédée le 21
février 1753, sans s'être mariée.
Vers la fin de sa carrière, cet infatigable érudit avait pour projet de
rédiger une œuvre intitulée "Essai d'un ouvrage universel
sur les médailles antiques" En voici le plan :
Pour
l'escole des médailles, dix leçons
1- Les métaux différents dont elles sont composées
2- Les différentes grandeurs qui forment les suites
3- Les têtes différentes dont on peut faire les suites
4- Les revers qui rendent les médailles plus ou moins rares
5- Les
inscriptions que l'on appelle la légende
6- Les langues différentes employées aux inscriptions
7- L'âge et le temps des médailles qui en augmentent le prix
8- L'état présent où elles sont que l'on appelle
conservation
9- Les différentes manières de contrefaire les médailles
10 - De la conduite que doit tenir celui qui se met à la
curiosité et fait un cabinet
Mais le 23
octobre 1706, âgé de 74 ans et 3 mois, Jean Foy-Vaillant,
notre numismate beauvaisien s'éteignit "victime d'une crise d'apoplexie"
l'empêchant de mener à bien ce qui devait être
le résumé des travaux qu'il avait menés toute sa vie.
Il fut enterré à Saint-Benoît. |
1-
Par exemple : Robert:
Dictionnaire universel des noms propres. 1974. 4 vol.
2-
C’est ainsi que nous allons tout de suite le
désigner pour éviter toute ambiguïté.
Bibliographie
Archives départementales de l’Oise:
Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790.
Braine Ch. Les hommes illustres du département de l'Oise.
Beauvais 1858.
Dictionnaire de
biographie française. 1977 Tome 14; pages 903/904
Richer: Causes
célèbres et intéressantes avec les jugements qui les ont décidées.
Amsterdam
1774. Tome neuvième.
Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie. Tome 1
(1841-1843). Pages 361 à 370. Notice sur Foy-Vaillant, célèbre
antiquaire, né à Beauvais par M. Dupont-White:
Société Académique de l’Oise: Legs d’Elbée.
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André Dessaint |
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